La Journée de la Jupe de Jean Paul Lilienfeld – analyse critique

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Nous nous excusons auprès du lecteur de condenser en si peu de pages une critique de « La Journée de la Jupe » dont le sujet est – disons-le d’une façon pratique – actuel, mais le principe d’observation s’impose, l’expérience vécue n’étant ni arbitraire, ni obscure, ni artificieuse… face à l’unilatéralité de spéculations religieuses qui nous plongent dans un conflit des opinions où il est exigé de la république qu’elle fasse table rase de sa vanité.

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Rappel

Sonia Bergerac est professeur de lettres dans un collège de banlieue, la difficile relation avec ses élèves la rend dépressive.
Lors d’un cours de théâtre elle découvre un pistolet dans le sac d’un élève nommé Mouss. Elle cherche à s’en emparer, l’élève est clairement menaçant, un coup de feu part et blesse ce dernier à la jambe.
Dans la confusion elle craque et prend sa classe en otage.
A l’extérieur, les autorités peinent à réagir à la situation ; Sonia, enfermée dans la salle de théâtre, démontre à ses élèves leurs contradictions. Certains, qui souffrent du système en vigueur dans la cité, lui apportent une aide plus ou moins directe. Quand la police invite Sonia Bergerac à faire valoir ses revendications, elle demande « une journée de la jupe » pour lutter contre l’idée qui voudrait qu’une fille en jupe soit une prostituée.
La situation dérape et, alors que la négociation allait réussir, un jeune garçon nommé Mehmet s’empare de l’arme et en tue un autre, Sébastien, qui le menaçait de représailles. Lors de la libération de la classe, un policier déguisé en journaliste-cameraman tue délibérément Sonia. À son enterrement, ses anciennes « otages » portent toutes une jupe.

 

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On est en droit de se demander si « la splendeur de la civilisation musulmane » n’est que pur vernis et si ses représentants à travers le monde sont dans un état d’âme qui correspond aux valeurs professées. Extérieurement … tout est là, en images et en mots, mais beaucoup – ho oui beaucoup – semble faire défaut intérieurement aux musulmans, dominés par des archaïsmes qui règnent dans la véritable vie. Exactement comme ce fut le cas pour la civilisation chrétienne, qui elle aussi s’est révélée creuse à un degré terrifiant.

Sonia Bergerac (1) tente de faire rappel de ce qu’est la laïcité qui concerne la conscience moderne – donc une conscience pas uniquement passionnée par le sujet de la religion – auprès de jeunes dont les parents et/ou eux-mêmes ont navigué entre deux continents … tout voyage exigeant qu’on ferme sa valise à clé, le fait du déroulement du film dans l’espace clos d’un théâtre pour suivre la marche des évènements permet d’accéder au vaste débat que l’on voudrait verrouiller… alors que la règle du bain de sang imposée par les religions se confirme jour après jour dans une grande comédie hystérique.

« Les discours oscillent de-ci, de-là
Si aisément dans un entretien multiple,
Chacun n’entendant que soi dans ce qu’il dit
Et dans ce que disent les autres.
Chacun ne se lit-il pas soi-même dans un livre ?
Et s’il n’en a pas la force,
C’est lui-même qu’il retrouve dans le livre
Où il s’est projeté,
S’amalgamant ce qui lui est étranger.
Aussi est-ce bien en vain que tu t’efforces par tes écrits
De renverser la tendance et le penchant déjà fixés de l’homme.
Mais du moins peux-tu le confirmer dans sa manière de penser
Ou, s’il est encore vierge,
Le plonger en ceci ou en cela. »

Goethe

Nous voici donc avec « La Journée de la Jupe », entre quatre murs, comme à la suite d’une féroce répression politique. Mais qui est venu en classe avec une arme ? L’élève. L’élève qui vient à l’école pour en remontrer aux autres, l’élève qui n’a pas d’expérience de la vie – et un caractère mûri par celle-ci – mais qui entend avec force, tout en se prévalant de « respect », apporter à l’adulte ses limitations et les simplifications qui vont avec.
L’adaptation à l’école de la république est, pour le moins, non pas à portée de main, mais à portée de flingue. Le travail des professeurs en zone sensible étant tenu dans l’ombre – en quelque sorte là-aussi mis sous clé – aborder un tel sujet dès 2009 n’a pas empêché que règne dix ans après une grande confusion au niveau des autorités scolaires, policières et politiques.

A quels dépens ? aux nôtres. Le Sieur Boubakeur – recteur de la mosquée de Paris (2) continue de faire blocage, quand il ne jette pas des charbons ardents pour échapper à son devoir culturel en France dont il a une idée d’un autre âge, minimisant la judéophobie musulmane, laissant des valorisations venues de siècles passés se développer dans les mosquées : son impératif n’est de toute évidence pas la république. Ou alors une république à la laïcité soumise à l’islam comme le souhaite le parti laïc des musulmans de France !

Que fait le proviseur (3) ? Il est occupé à combattre sa volonté propre pour faire œuvre intelligente et doit avant tout céder aux politiques, comme à sa hiérarchie !

Que font les politiques ? Ils ne sont pas réalisateurs de films, l’activité créatrice ne les concernent qu’en termes de puissance, de possession et de sphère électorale. C’est ainsi que les choses vivent d’elles mêmes … et que les hommes sont depuis toujours distancés par leurs œuvres. Ainsi notre république qui fut créé péniblement est aujourd’hui entravée dans sa marche par des militantismes vampires – que le film fait apparaître tantôt affables, tantôt migrants de leur certitudes et cercueils moraux sous de multiples formes pour hypnotiser leur monde – et parmi ceux-ci, des vampires qui sucent la vie même de leur créateur… en fuyant systématiquement la lumière du jour, c’est-à-dire le réel. Le plus terrifiant étant la reproduction de leur condition chez leurs victimes… à la conscience vidée, mais affamée de la vie de ce monde (4).

Que fait la police ? Les policierset comment a t’on pu en arriver là ?sont dans le danger de « commettre un péché » envers les uns ou les autres (!) alors qu’ils ont aussi à s’occuper d’eux mêmes, comme tout le monde… mais qu’ils ont aussi à s’occuper de faire leur travail !
La défense de la vie naturelle reste donc suspendue dans l’air et il faut bien une petite cabriole sur son fauteuil au négociateur lorsqu’il explique à Sonia Bergerac que la position de Madame La Ministre est que les femmes se sont battues pour avoir le droit de porter le pantalon, en oubliant totalement la longueur des jupes imposées par Tante Yvonne, soit une demi burka tombant jusqu’aux pieds !

Qu’est ce qu’il ne faut pas faire pour ne pas perdre l’équilibre : au moins une petite cabriole pour tenir la forme…

« Pour ce qui est de la jupe, c’est un peu plus compliqué… Le Ministre de l’Education a lancé l’idée mais disons qu’il rencontre une forte opposition et les femmes notamment soulignant qu’il leur a fallu des siècles pour obtenir le droit de porter le pantalon… comprenez elles voient ça comme un retour en arrière… donc disons que l’idée est lancée mais… »

 

Que l’on soit immigrant ou pas, lorsqu’on va quelque part, on ferme sa valise à clé, pour protéger ce qu’il y a à l’intérieur. Sans chercher querelle à quiconque, il nous apparaît qu’une fois rendu à destination, on ouvre sa valise et on en sort le contenu pour le mêler à son nouveau contexte. Par métaphore, on lie et on délie… on ne séquestre pas de façon répressive, dans la chambre et dans la cuisine, Madame parce qu’elle serait un danger : Madame n’est pas une chose, Messieurs !

Non la femme n’est pas inconstante, elle ne dévorera personne par ses charmes magique, elle n’est point sirène qui par instinctivité aspire à dévorer l’âme de l’homme. On peut avoir des rapports sociaux avec une femme sans se perdre dans ses propres désirs et contrairement à cet ancien conte dit « La petite sirène », bien qu’en sortant du monde aquatique la petite sirène ait acquis des pieds humains, aucun pas ne la transpercera comme une épée ! Ce n’est pas la femme qu’il faut protéger selon la tradition médiévale, mais certains hommes qu’il faut protéger de leurs peurs d’un autre âge ; un autre âge qui n’a rien à faire en république.

Jean Paul Lilienfeld lorsqu’il nous amène au final à la lumière extérieure, après nous avoir fait prendre connaissance de certaines natures particulières, nous laisse devant ce qui reste important : de l’enfermement, du passage de la grande porte du théâtre (de la vie), de la traversée de plusieurs tunnels en spirales, on se retrouve sub specie aeternitatis devant une image funéraire : Sonia Bergerac est morte… la cause étant un retard de l’évolution qui ne peut que venir de régions isolées ou reculées : soulignons qu’en Europe du Nord (Germains, Celtes…) le chemin fut chaotique, partant d’une situation stable entre droits féminins et masculins pour évoluer en un millénaire « après la naissance du christ » vers une domination patriarcale très prononcée…

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La pellicule républicaine qui recouvre notre société française est bien fragile et c’est une tâche ingrate de dire quelque chose d’essentiel de l’homme « civilisé » d’aujourd’hui : celui qui parle est systématiquement arrêté « par ceux qui ne veulent pas le savoir » et ne pas vouloir « le savoir » c’est vouloir l’ignorance … le conflit est alors général au milieu de notre époque.
Bien des choses fondent sur nous au nom d’un Dieu terrifiant et de ses appellations en « ismes » : notre non-adaptation, nos lacunes à y faire face sont tout aussi néfastes que l’ignorance de ceux qui les professent.

Dix ans après « La Journée de la Jupe », la catastrophe est retentissante, absolue et complète.

 

 

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« Sache que la psyché a sa propre
Gloire, reconnue ou pas, que l’âme
Peut embraser comme les plumes d’un oiseau.
Deviens ton propre plumage, sois éclatant,
Afin que tout arbre soit une cité merveilleuse. »

James Applewhite – Prayer for my son.

 

Notes de bas de page

(1) Isabelle Adjani bouleversante, qui trône en Grande Mère et Matrice, fait dans cette oeuvre prendre place à toute chose, en mettant à genoux son cosmos (en montrant les siens), tout en démontrant une fois de plus sa capacité à englober, tenir, soutenir, consoler pour transporter le film de sa présence ; autant de chaises pour elle dans ce théâtre que de façon d’apparaître jusqu’à ce que de mauvais « génies » d’êtres et principes qui nous gouvernent fassent le rappel à son personnage de l’éphémère de toute vie. Profitons-en pour signaler que la femme n’est pas un être engoncée dans sa féminité surannée et instinctive ! Si « savoir prendre une décision et s’y tenir » caractérise la virilité, beaucoup de femmes nous enseignent que le mariage moyenâgeux et son enkystement ne sont plus du tout – mais alors plus du tout – de notre temps et que, décidément, en ce sens, la virilité n’est pas qu’une affaire d’homme.

(2) Le Sieur Boubakeur oublieux de l’Ecole Ozar Hatorah de Toulouse persistant à placer l’idée de blasphème en présentant l’assassinat d’un prêtre de 84 ans comme « blasphème suprême » qui serait bien plus suprême que l’assassinat de trois enfants : Gabriel, 3 ans, Aryeh, 6 ans et Myriam, 8 ans… juifs, il est vrai. Le Sieur Boubakeur qui « possède » la parole de Dieu, incapable de gérer ce qui le concerne en propre…  « ce que le Coran n’a pas efficacement suggéré à ses ouailles c’est qu’il faut d’abord se connaître soi-même pour que les autres, alors, vous aident à mieux vous connaître. Car l’humain n’est pas nécessairement un religieux : l’humain possède – normalement – un cerveau qui considère les choses dans leur ensemble.
Le fanatisme, politique ou religieux, c’est exactement la chose contraire : un mécanisme où les sourds et les aveugles ne peuvent pas rater la prière-discours cinq fois par jour, sous l’œil sévère d’une police politique ou religieuse, puisque l’individu n’existe pas, mais la haine de l’homme, si. »

(3) Jackie Berroyer dans son rôle de proviseur dépassé fait penser à Claude Rich en Général Pitard de Lauzier lui aussi dépassé face à tout évènement qu’il est censé « proportionner » dans « Capitaine Conan » de Bertrand Tavernier ; la distribution est dans « La Journée de la Jupe » par ailleurs absolument remarquable, la direction d’acteurs « sort les plantes de la cave pour les mettre au soleil » (nous demandons pardon pour cette expression !)

(4) Il faut voir certaines critiques militantes faites à ce film, sans la moindre clarification, sans le moindre regard en avant ou en arrière de notre histoire, faites de motifs ou le soleil serait animé de sentiments humains ! On mesure alors à la simple « réflexion » sur le travail d’actrice d’Isabelle Adjani « moi aussi j’peux porter une jupe » (authentique !) la distance et même l’animosité qui sépare certains critiques de l’amour qu’ils professent tout en exigeant d’être reçus comme un degré supérieur.

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