Réflexion sur l’Arabie Saoudite, le moi arabe, l’islam – contre la haine de l’homme au nom d’une idée supérieure

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En Arabie Saoudite la constitution c’est le Coran. Mohammed ibn Saoud qui fonda cet empire au XVIIIème siècle en faisant alliance avec un chef religieux n’y est d’ailleurs point « majesté », mais « Serviteur des lieux saints », puisque s’y trouvent Médine, La Mecque et le palais royal Al-Yamamah de Riyad vers lesquels chaque jour un milliard six cent millions de musulmans se tournent pour prier.

Et pas pour « qu’un sang impur abreuve leurs sillons » – au sens ou dans « La Marseillaise » le sang impur est celui des révolutionnaires, fiers de verser leur sang « indigne » sur le champ d’honneur en opposition au « sang bleu, d’élite » des « nobles » – non, en Arabie Saoudite on épanche bien le vôtre, de sang, mais par terrorisme interposé… en se contentant officiellement de celui versé par l’autre capitale de la vertu islamique – et du siècle d’Ali – en face, à Téhéran. A intégriste, intégriste et demi.

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Aller en conscience vers l’hominisation de notre espèce, sur la base d’organisations étatiques, collectives, a trop souvent « laissé la place libre » aux désastres du totalitarisme. La démocratie, la république, la laïcité, c’est l’acceptation de l’autre, de la différence, du doute, c’est « le royaume de l’authentique tolérance », ce qui sonne comme autant de perte du sens pour les religieux, le marxisme et tous les fanatismes. Difficile pour nos gouvernants – qui se cassent la tête sur la situation internationale – aux doctrines d’Etat artificielles – car créations humaines – de faire face de surcroît aux pays où la souveraineté de Dieu, l’autorité du chef archaïque, sont deux instances prépondérantes… comme dans la vie de toute tribu primitive ; le chef qui exerce la violence est le plus fort de la tribu, il est le pouvoir exécutif ; le chaman ou sorcier, c’est l’intelligence, la ruse, le commerce avec les esprits et, par révélation divine, il peut indiquer quelle direction prendre : l’Arabie Saoudite, avec sa monarchie absolue et son wahhabisme pour religion d’Etat, correspond parfaitement à ce schéma.

Il est à noter que ce pays qui, avec le Qatar, exporte naturellement sa religion sous la forme du salafisme mais aussi parraine Al-Qaïda et Daech, a affiché, parmi d’autres dans son histoire, un drapeau – le drapeau du Royaume du Hedjaz (1920-1926) – que l’on retrouve aujourd’hui en tant que drapeau palestinien. En effet « la Palestine » n’a jamais été un pays, mais une région arabe dont les habitants se sont reconnus un peuple en 1964. Les arabes comme les européens, les japonais, les américains, ont leur propre culture : ce drapeau est pourtant encore la preuve que l’intégration du « tout » dans l’individu est possible … mais si l’on ne fait pas place au peuple, il n’est qu’une plèbe inarticulée qui ne vaut guère mieux que le moujik russe d’antan, tenu dans l’ignorance de la notion même de droit humain. Ce pourquoi c’est surtout « n’importe quoi » qui est rentré dans les crânes.

La culture nécessaire à « la compréhension » du fonctionnement de l’Arabie Saoudite mais aussi du monde arabe va vous être ici présentée sur la base des travaux d’Edward T. Hall, anthropologue et sociologue américain de renommée mondiale, professeur à Harvard, plusieurs fois Doctor Honoris Causa, qui a rédigé dans l’édition de poche de « le langage silencieux », une introduction dont voici un extrait…

« J’ai écrit pour l’homme de la rue, qui se trouve parfois perplexe devant son existence, qui se sent mené de droite et de gauche par des forces qu’il ne comprend pas, qui se trouve déconcerté par les actes d’autrui, que ce soit en Amérique ou bien placé, à l’étranger, au cœur d’une culture différente. J’espère convaincre le lecteur que derrière le mystère apparent, la confusion, le désordre de la vie, l’ordre est présent ; et que lorsqu’il en aura pris conscience, il pourra se pencher de nouveau sur l’univers humain qui l’entoure. (…) parce que l’avenir de l’espèce humaine réside dans le maintien de sa diversité et dans l’effort pour la faire tourner, cette diversité, à son avantage. » 

 L’anglais sort dans la pluie, le français et l’arabe sous la pluie, le sud-américain demandera pourquoi une chose aussi sale que les toilettes sont dans la salle de bain, le temps n’a pas la même importance primordiale selon les cultures (« notre heure ou la vôtre »), l’esquimau possède plusieurs mots pour désigner la neige, l’arabe possède plusieurs prix dont chacun a un sens précis dans l’art du marchandage ; ce dernier exemple se doit d’être analysé en détail

« J’ai déjà parlé des différences entre le américains et les arabes en ce qui concerne l’art du marchandage. L’exemple vaut d’être analysé plus en détail. Le schéma américain du marchandage s’appuie sur le principe que chaque partie s’est fixé un prix minimum et un prix maximum qui sont tenus secrets (le prix qu’on aimerait recevoir ou qu’on ne veut pas dépasser). La fonction du marchandage de découvrir, si possible, quels sont les points faibles de l’adversaire sans révéler les siens. L’américain en visite au Moyen-Orient, projetant son propre schéma inconscient, dira : « quel pourcentage du prix demandé dois-je donner ? » c’est-à-dire : « s’il demande dix livres, est-ce que cela signifie qu’il en veut cinq ? » Cette procédure n’est pas seulement inadéquate : elle peut avoir une issue malheureuse. Le principe à retenir n’est pas que chaque partie a fixé un prix minimum et un prix maximum, mais qu’il existe un point principal situé quelque part au milieu. Tout comme la cote des denrées sur nos marchés, ce point est déterminé, non par les protagonistes, mais par le marché ou la conjoncture. L’une des notes principales de ce schéma est que le prix n’est jamais déterminé par l’individu, ou ses désirs, mais par un ensemble de circonstances connue des deux parties. La négociation se déroule donc autour d’un pivot central. Celui qui ignore la position du pivot s’expose à perdre la face ou à se faire exploiter de la pire manière.

Le problème est le même, qu’il s’agisse d’une gourde dans un bazar ou d’un barrage hydro-électrique sur la marché international. Le schéma demeure constant. Au-delà et en-deçà du point central, il existe une série de points qui révèlent l’état de chacun des protagonistes lorsqu’ils rentrent en action.

Voici comment un arabe de Damas décrivait sa procédure. Le point-pivot était six piastres, prix de la gourde à vendre ce jour-là. Au-delà et en-deçà, il y avait quatre points. Chacun des quatre points supérieurs pourrait être le prix demandé au départ par le vendeur. Chacun des quatre points inférieurs représente l’offre de départ de l’acheteur. On trouvera sur l’échelle ci-dessous, en face de chaque prix, la signification implicite ou cachée du code. Cette signification n’est pas exacte, mais elle est représentative de l’attitude des deux parties lorsque que commence le marchandage.

 

Prix demandés par le vendeur

. 12 piastres ou plus – ignorance complète de la part du vendeur

. 10 piastres – insultes, controverses et affrontements. Le vendeur ne veut pas vendre

. 8 piastres – vendra, mais continue quand même le marchandage

. 7 piastres – vendra l’objet au dessous de sa valeur réelle

Valeur marchande l’objet : 6 piastres

Prix offerts au départ par l’acheteur

. 5 piastres – l’acheteur veut avoir la gourde, paiera au-dessus de la valeur réelle

. 4 piastres – achètera

. 3 piastres – discussion, affrontements

. 2 piastres – l’acheteur ne veut pas acheter

. 1 piastre – l’acheteur ignore complètement la valeur de l’objet

 

Quand on voit le changement de signification qu’entraîne une variation d’une piastre, la question « Quel pourcentage du prix demandé dois-je offrir ? » devient absurde. Quel prix demandé ? Le prix affaire-conclue, le prix affaire-non-conclue ou le prix mettons-nous-en-colère ? Certaines des variations de ce schéma comprennent cinq ou six points en deçà et au-delà espace du pivot, chacun ayant sa signification particulière.

On ne peut sous-estimer l’importance de tels schémas ni l’influence qu’ils exercent sur les gens à tous les niveaux. Parlant de notre place en Egypte pendant et immédiatement après le fiasco du barrage d’Assouan, et avant que notre position au Moyen-Orient ait pris une mauvaise tournure, un arabe sympathisant s’exprimait ainsi : « Si vous ne concédez rien durant le marchandage, l’autre montera. S’il recule de deux échelons, vous devez reculer de deux échelons. Si vous ne faites pas, il montera de quatre échelons. » Nous n’avons pas cédé nos deux échelons et Nasser est monté de quatre. »

  

Ainsi, de la même façon, dans un débat international, on fait de graves erreurs en interprétant le simple fait de savoir si un participant est réellement en colère ou s’il fait semblant… et c’est parfois le cas avec l’Iran, à analyser de l’Iran mazdéen à l’Iran chiite (1), chiites persécutés par l’Arabie Saoudite, d’Ali Nimr au Yémen. Mais il est vrai qu’extraire l’invisible vérité des ordonnancements des uns et des autres sera tenté en vain tant que la critique, le scepticisme, voir même la franche opposition, ne seront que des déclencheurs de susceptibilités. Là-dessus, la franchise et la loyauté ne faisant pas parti de la communication, cette vérité étant classée au rayon « La Palisse », reste le moi arabe et les modèles de conduite des uns et des autres.

 

 

« Une fois acquis ces modèles de conduite, ces relations usuelles, ces modes de relation s’enfouissent peu à peu sous la surface de l’esprit et, comme l’amiral d’une escadrille de sous-marins en plongée, commande des profondeurs. Ces systèmes de contrôle cachés sont en général considérés comme innés pour la simple raison qu’ils sont omniprésents et familiers. »

« L’inconscient culturel, tout comme l’inconscient freudien, règle les actions de l’homme, et ne peut être compris que par des méthodes assidues d’analyse détaillée. C’est pourquoi l’homme considère automatiquement comme inné ce qui lui appartient le plus en propre, c’est-à-dire la culture de son enfance. Il est amené à penser et à sentir que quiconque se conduit de façon imprévisible ou différente peut être légèrement fou, mal-élevé, irresponsable, psychopathe, irrémédiablement déformé par la politique, ou bien alors simplement débile. »

« Le système de contrôle demeure complètement inconscient aussi longtemps que le programme se déroule comme prévu. Paradoxalement cela signifie que la majorité de l’humanité ignore l’existence de parties essentielles de son être, en raison même du fonctionnement du système de contrôle : on ne prend conscience du système de contrôle que lorsqu’il y a interruption dans le programme caché, ce qui arrive très fréquemment dans les rencontres interculturelles. Celles-ci ne doivent pas être l’occasion d’un petit frisson exotique ; elles procurent le bien plus grand avantage de permettre une prise de conscience des structures de son propre système, qui ne peut s’accomplir que par la fréquentation de ceux qui ne font pas partie du même système : personnes de sexe opposé, de groupes d’âge différent, ethnies et cultures différentes. »

« S’ajoutant aux talents que les individus ont de naissance, la culture a toujours exercé une influence dominante sur la mémoire et la pensée. En Iran, par exemple, on insiste beaucoup à l’école sur la mémoire verbale. Les éducateurs iraniens se soucient peu de la façon dont les étudiants enregistrent et retiennent des textes, tant qu’ils s’en souviennent. Plus tard, pour gagner leur vie, ils doivent pouvoir continuer à savoir par cœur des pages entières, même à un niveau assez bas de l’administration. Le système de la mémoire verbale, comme de nombreux systèmes culturels, est intégré au reste de la culture et fait sentir son influence dans tous les domaines. Les américains qui se rendent souvent en Iran perdent leur crédit parce qu’ils emblent ne rien « savoir », c’est-à-dire qu’ils n’ont pas les faits présents à la mémoire, et doivent se référer à leur dossier pour effectuer leur travail.

Dans les pays arabes de la Méditerranée orientale, les enfants apprennent le Coran par cœur, mais on leur donne aussi du calcul mental auquel ils s’entraînent tout seuls. La facilité avec laquelle n’importe quel gosse de Beyrouth calcule mentalement les taux de change n’a jamais cessé de me sidérer ».

 

Le Moi arabe

 L’homme utilise l’espace – l’espace qu’il maintient entre lui et les autres et celui qu’il construit autour de lui – d’une façon sur laquelle il est intéressant de s’interroger.

Parler une langue différente n’est pas tout, nous vivons aussi dans des mondes sensoriels différents. Les hommes se tiennent, selon les cultures, à des distances différentes lorsqu’ils communiquent : l’américain n’aime pas être dans le rayon olfactif d’une personne avec qui il n’est pas en relation intime, d’autres ont besoin de vous toucher… mais nos différences ne s’arrêtent pas là : le japonais dégage le pourtour des pièces pour consacrer son activité au centre de celle-ci, le mot « privacy » (intimité) n’existe pas en japonais, les européens disposent les meubles près des murs ou contre eux, la chaleur des foules et l’entassement sont appréciés diversement selon nos origines, etc.

« L’idée et le sentiment que je me faisais de ma sphère personnelle d’isolement dans un endroit « public » parurent à mon ami arabe à la fois étranges et surprenants, car après tout ne s’agissait-il pas effectivement d’un lieu public ? Je découvris par la suite qu’aux yeux d’un arabe, le fait d’occuper un point particulier dans un endroit public ne me conférait aucun droit : ni mon corps, ni la place que je pouvais occuper n’étaient considérés comme inviolables. Pour l’arabe, l’idée d’une intrusion en public n’est pas concevable. Ce qui est public est effectivement public. Cette révélation me permit de commencer à comprendre enfin toute une série de comportements qui m’avaient étonné, irrité, et parfois même effrayé. J’appris, par exemple, que si un individu A se tient au coin d’une rue, et qu’un individu B convoite sa place, B est dans son droit en faisant son possible pour rendre la situation désagréable au point que A s’en aille. A Beyrouth, seuls « les durs » parviennent à rester assis aux derniers rangs dans les cinémas : en effet les spectateurs debout et désireux de s’asseoir se montrent habituellement si envahissants et gênants que la plupart de ceux qui sont assis abandonnent la partie. »

« Le comportement désinvolte des américains en matière de circulation routière constitue une autre source cachée de frictions entre américains et arabes. D’une manière générale, aux Etats-Unis, on cède le pas aux véhicules les plus grands, plus rapides, plus puissants ou lourdement chargés. Même si c’est à contrecœur, le piéton trouve normal de se serrer sur le côté pour laisser passer une voiture rapide. Il sait qu’en se déplaçant, il ne dispose plus sur son espace proche du droit qu’il possède dans l’immobilité.

L’inverse est vrai des arabes qui acquièrent des droits sur l’espace à mesure qu’ils s’y déplacent.

Si un étranger se déplace dans le même espace qu’un arabe, il sera considéré comme violant les droits de ce dernier. De même, l’arabe sera furieux de voir couper sa file devant lui sur une autoroute. C’est le comportement cavalier des américains dans l’espace de mouvement qui les font qualifier d’agressifs et de sans-gêne par les arabes ».

« Les structures proxémiques aident à découvrir beaucoup d’autres aspects de la culture arabe. Par exemple, il est pratiquement impossible de donner une définition abstraite de la notion de frontière ou de limite. Dans un certain sens, il n’y a pas de frontières dans le monde arabe. Il y a ce qu’on appelle les « abords » d’une ville, mais des limites permanentes, sous forme de lignes invisibles, n’existent pas. Dans mon travail avec les arabes, j’ai eu beaucoup de difficulté pour traduire notre notion de frontière en des termes qui leur fussent intelligibles. Pour mieux définir la différence de nos deux points de vue culturels en la matière, j’imaginai de dresser un inventaire des empiétements de frontière. Mais je ne suis pas encore arrivé à découvrir chez les arabes une notion qui ressemble même de loin à notre propre concept d’empiètement.

Le comportement des arabes vis-à-vis de la propriété foncière est en quelque sorte une conséquence du rapport qu’ils entretiennent avec leur corps. Chaque fois qu’il s’agissait d’empiétement, mes sujets se trouvaient dans l’incapacité de répondre. Ils semblaient ne pas comprendre la signification de ce mot. Sans doute est-ce dû au fait qu’ils organisent leurs relations en termes de structures sociales closes plutôt qu’en termes d’espace. Pendant des millénaires, musulmans, maronites, juifs et druses ont vécu dans leurs propres villages dominés par les structures de la parenté. La hiérarchie des personnes à qui l’on doit fidélité s’établit de la façon suivante : d’abord le moi, puis les membres de la parenté, les habitants du village ou les membres de la tribu, les coreligionnaires et les concitoyens.

Qui n’appartient à aucune de ces catégories est un étranger. Dans la pensée arabe, étranger et ennemi sont des termes très voisins sinon synonymes. Dans ce contexte l’empiètement est plus lié à l’identité du transgresseur qu’à la parcelle de terre ou à l’espace dont les frontières peuvent être interdites à tout un chacun, ami ou ennemi.

En bref, nous nous trouvons devant des structures proxémiques très diverses. Leur analyse permet de détecter les cadres culturels cachés qui déterminent la structure du monde perceptif d’un peuple donné. Le fait de percevoir le monde de façon différente entraîne à son tour des différences dans la façon de définir les critères de l’entassement, de concevoir les relations interpersonnelles ou de mener la politique intérieure ou internationale. »

« Chez l’arabe, la localisation de la personne par rapport au corps est très différente. La personne existe quelque part au fond du corps. Mais le moi n’est pourtant pas complètement caché, puisqu’une insulte peut l’atteindre très aisément. Il est à l’abri du contact corporel mais non pas des mots. Cette dissociation du corps et du moi peut expliquer comment l’amputation publique de la main des voleurs est admise comme un châtiment normal en Arabie Saoudite. »

 

Le Coran en tant que création de l’esprit ou parole de Dieu ?

  

« Lorsqu’on rencontre une forme artistique ou un style qu’on n’aime pas, dont on a horreur, il y a quatre explications possibles : l’artiste n’a peut-être pas bien réussi à saisir la perception ou le rythme ; peut-être représente-t-il un aspect peu conventionnel d’un comportement ou d’une perception et son style est peut-être trop nouveau ; ou bien l’artiste exprime-t-il un aspect dédoublé d’un comportement qui met tout le monde mal à l’aise ; ou peut-être est-il étranger et nous expose-t-il un modèle inconnu qui ne nous fait pas « vibrer ». Naturellement il y a d’autres raisons, comme les faiblesses techniques, les lacunes dans un texte ou un message, le manque de proportion entre les niveaux. Lorsque l’on songe aux nombreux facteurs en jeu, la réussite de l’œuvre d’art a quelque chose de miraculeux. »

Edward T.Hall

Pour le Coran, sous nos cieux, pas de miracle : le Coran est une création de l’esprit, qui se caractérise par l’art arabe (l’on entend bien que la culture est très proche, si ce n’est synonyme, de l’esprit).

Si le Coran est « la parole de Dieu » nous réfléchirons à cette affirmation comme le fait avec sagesse l’africain traditionnel : « quel pourcentage de Dieu représente la parole de Dieu, alors qu’Il se manifeste aussi « beaucoup »  matériellement ? » Sur la base d’une création qui nous en met plein les sens, l’africain traditionnel place « la parole de Dieu » à un niveau supposé d’efficacité, c’est-à-dire insère des versets du Coran dans un petit sachet gri-gri, à la queue leu leu des autres sachets issus des autres religions authentiques, pour atteindre un hypothétique 100 % de présence divine. Voilà l’islam libéré de sa solitude. Et s’il a « la bosse des affaires » l’africain traditionnel de garantir l’invincibilité de sa technique alchimique (2) pour faire revenir l’être aimé, réussir aux examens etc. Histoire, toujours, de boucher les vides, à plusieurs.

Mais en tant que création de l’esprit, comme bien d’autres textes abordant le mystère de nos origines, le Coran n’est pas seulement « un produit » utilisant toutes les conditions fermées du terrain arabe. Tout comme une plante, une création artistique est aussi un processus vivant, dont l’essence n’a rien à voir avec la nature du terrain, même si l’on y trouve en effet certaines particularités issues des caractéristiques du lieu où elle croît.

Et c’est ainsi qu’il faut considérer le Coran, comme une œuvre d’art, littéraire (3), une création qui utilise LIBREMENT, utilise simplement, l’homme Mohammed et ses dispositions comme sol nourricier : ailleurs, d’autres histoires car les hommes sont autres … et on peut observer aisément que les créatures de Dieu sont bien moins tolérantes que le créateur de toute chose.

Ramener le moi arabe et le Coran à sa juste place

Que le prophète Mohammed soit considéré par les musulmans comme Pallas Athéné sortant du crâne de Zeus, ne fait pas des musulmans « les secondes personnes » s’exprimant pour Dieu. Ne fait pas non plus des musulmans des gens possédant sur autrui une puissance de commande qui les placerait au-dessus de la création.

Cela, c’est le moi arabe qui l’exprime, proclamant à haute voix ce que Dieu n’a jamais confié à sa langue. Il s’agit du moi arabe pre-verbal – nous entendons ici le moi barbare précédant la parole de Dieu, Son Verbe – pre-islamique, chaotique comme les enluminures du Coran, s’exprimant en tendances sunnito-salafistes non-contenues ; tourner autour d’une pierre noire, l’adoration d’une pierre noire, comme la Kaaba, est par ailleurs extrêmement antérieure à l’islam…

Ceci dit, la distance que les individus tiennent entre eux par coutume varie selon les latitudes. Mais « jouer des coudes » comme il nous est joué pour présenter son Coran – à la vérité duquel on devrait se soumettre – montre surtout que, s’il y a tout dans le Coran, « rien de ce qui y est dit n’y est dit autrement que de la façon dont elle est dite » : c’est-à-dire en langue arabe. Et si « être poète, c’est faire retentir derrière les mots le verbe primitif » à la lecture du Coran, nous ne voyons absolument rien que de très commun à l’humanité, avec ses autres histoires d’hommes, d’hommes qui sont autres. Il ne s’agit que d’un mythe de création de plus et nous repoussons pour cette raison tous ceux-là qui voudraient prendre toute la place « à coups de coude ». Que penser d’un Boubakeur, recteur de la grande mosquée de Paris, qui dans un premier temps suggère que les églises inoccupées deviennent mosquées, puis prétend que ce sont les musulmans qui souffrent le plus de la crise actuelle ? « Pousse ton église, pousse ta souffrance que je m’y mette ! » cela est bel et bien « jouer des coudes »…

Nul ne doit se croire autorisé à dépasser un certain seuil : LAICITE !

La laïcité, pour le Mouvement Vers Rien, n’est pas autre chose qu’une possibilité de classement des idées (même les plus fantasmatiques) qui apparaissent dans la matière formée (nous-mêmes) et présentés comme principes régulateurs de sa formation.

Que le Coran soit une œuvre d’art accomplie dont l’étude permet de tirer la conclusion qu’il est une « image unique de (société)-modèle » à construire pour tous est démenti par ce qui se montre à voir dans l’expérience : cette existence-là est plutôt un exemple d’inexistence.

Comme Dieu ?

En tant qu’il s’en « tenait » à son mythe fondateur, tout allait, en islam, « comme ailleurs » : une civilisation se caractérise par le fait qu’une partie de la population ne se livre pas à la production de vivres, l’industrie et le commerce. Pour maintenir la vie en société il faut des soldats de métier, des administrateurs et …des prêtres. Car qui dit civilisation dit « conception cosmogonique »« vision » qui apporte son propre caractère aux actions courantes.

Chaque civilisation a ses signes distinctifs, un ou des signes artistiques qui tendent vers une certaine uniformité. Le style artistique est une expression de la volonté, une expression de cohérence et de stabilité dans l’orientation de ses institutions. Si l’œuvre d’art révèle beaucoup sur sa civilisation, c’est parce qu’elle est une clé en termes d’idées et de valeurs.

L’islam est civilisation, les exemples malsains de l’islam que sont l’Arabie-Saoudite et autres pétromonarchies, Daech et consorts sont des pandémoniums primitifs comme il s’en est déjà présenté un nombre incalculable de fois à notre humanité. Ce nombre pourrait encore en pousser certains à croire en Dieu, permettant à beaucoup encore de tomber dans le piège de la détention exclusive de la vérité… pourquoi ne pas croire en Dieu en contenant en soi le mot créateur et comprenant enfin que cela ne peut pas être « par un seul canal isolément » ?

Chacun a (droit à) sa méthode d’autorégulation spirituelle et la vie avec tous est la plus grande école.

« Il n’y a pas de savoir absolu, et ceux qui le proclament, qu’ils soient savants ou dogmatiques, ouvrent la voie à la catastrophe »  – J.Bronowski

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Le monde entier le voit, le monde musulman, s’il « possède » la parole de Dieu, son Verbe, est incapable de gérer ce qui le concerne en propre. Ce que le Coran n’a pas efficacement suggéré à ses ouailles c’est qu’il faut d’abord se connaître soi-même pour que les autres, alors, vous aident à mieux vous connaitre. Car l’humain n’est pas nécessairement un religieux : l’humain possède – normalement  – un cerveau qui considère les choses dans leur ensemble.

Le fanatisme, politique ou religieux, c’est exactement la chose contraire : un mécanisme où les sourds et les aveugles ne peuvent pas rater la prière-discours cinq fois par jour, sous l’œil sévère d’une police politique ou religieuse, puisque l’individu n’existe pas, mais la haine de l’homme, si.

 

« J’ai le cœur serré à cause toi, mon frère… »  Samuel 1 : 26

 

 ♦

 

 (1) L’Iran est à un carrefour des flots de la vie, un carrefour où de profondes maturations ont creusés leur lit : à la Chine de l’homme divin P’an Kou qui a créé l’univers, à l’Inde et son Purusha ou « soi cosmique », répond dans l’ancien Iran le géant cosmique Gayômart à l’origine du Zoroastrisme, une des premières religions monothéistes. Devant ces informations on évalue mieux que les aspects parcellaires qui nous sont généralement présentés ne nous éclairent pas sur la quintessence subtile et paradoxale d’un tel pays, carrefour de canaux souterrains historiques millénaires aujourd’hui centre de l’Islam chiite mais aussi nation gouvernée par une double autorité : une autorité nationale et ce qu’il convient de définir comme une autorité supra-nationale dirigeant l’entité unique « Etat Chiite d’Iran ». On y souffle à la façon du tao, le chaud à travers le yang (récente tournée d’Hassan Rohani en Europe) et le froid à partir du yin (relance « dans le même temps » de la fatwa contre Salman Rushdie), prudemment abrité derrière le bouclier de David, en parcourant en yogis la chaine des possibles, rationnels et irrationnels. Les autorités nationale et supra-nationale iraniennes ont depuis longtemps réfléchi aux « failles » dans notre façon de gérer l’exceptionnel puisque, comme il est dit au début, l’Iran est à un carrefour des flots de la vie, un carrefour où de profondes maturations ont creusés leur lit. Et puisque l’Iran est en Asie de l’Ouest, souvenons-nous qu’en Asie d’une façon générale, on n’a pas pour habitude de laisser espérer à chaque individu que, « pour lui personnellement »  tout finira bien : ce serait abuser…

(2) Il est grand temps de découvrir que l’alchimie n’est pas une invention européenne.

(3) Le Coran, tout comme Hamlet, a plusieurs niveaux d’interprétations, différents plans permettent et permettront d’approfondir l’œuvre pour en saisir l’unité.

 

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