Théodore Herzl de « L’étreinte du serpent » à l’Unesco

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C’est par un chant de Daniel August von Binzer (1793-1868) chanté par trois générations d’étudiants de langue allemande à travers l’Europe, entré dans le patrimoine musical folklorique germanique, que s’ouvre cet article sur Théodore Herzl, car on peut affirmer sans craindre de beaucoup se tromper qu’il l’a nécessairement entendu, avec quelques autres :

 

La préface de Théodore Herzl au sujet de son livre « L’Etat juif » ou « l’Etat des juifs » qui paraît en 1896 donne le ton : comme l’ensemble de son livre, elle est rédigée dans le plus pur style et la plus pure tradition des conférences qui se donnaient à l’époque. Dans de nombreuses sections de nombreuses petites sociétés d’intellectuels, les membres se voyaient dans l’obligation de donner, de temps à autre, des conférences liées à leur domaine de spécialité et d’intérêt. Le standard se voulait scientifique et de qualité, mais devait permettre également l’expression sans détour d’opinions notamment politiques, les participants se libérant parfois alors de toute convention académique et sociale.

Docteur en Droit, né dans le quartier juif de Budapest capitale de la Hongrie alors ville cosmopolite, il écrit des pièces de théâtre, devient journaliste puis directeur littéraire du plus prestigieux quotidien viennois la « Neue Freie Presse. »

Si nous nous reportons aujourd’hui à Herzl après deux guerres mondiales – guerres mondiales dans un monde « organisé » internationalement  – et si nous replongeons dans « L’Etat Juif », on ne peut que réaliser alors son très grand sérieux.

Nous nous reportons à cette époque parce que, aujourd’hui, nous sommes mieux à même de la comprendre, alors que les étudiants baignaient dans une ambiance purement matérialiste qui n’avait rien à leur offrir et que beaucoup, déjà, voyaient poindre le spectre de la première guerre mondiale, alors que les juifs entendaient autour d’eux les allemands vouloir intégrer notoirement les suisses dans un mouvement pangermaniste, alors que cette période suivait les guerres napoléoniennes, alors que l’étudiant allemand se caractérisait par son romantisme et ses idées libérales – au sens libéré des classes sociales –  contre la prééminence de certaines classes, contre la domination de l’aristocratie citadine sur la population des campagnes : de toute évidence un nationalisme social se cherchait et le mot « philistin », évoquant le bourgeois, faisait sans aucun doute se dresser l’oreille au juif qui, arpentant les rues hors de son « judapest » (comme disaient les antisémites), entendait « Frei ist der Bursch » beuglé sans musique par des étudiants alcoolisés.

Les modes étaient à la théorie de l’éther, à la physique moderne, au vitalisme et l’on évoquait à tout propos la mort intellectuelle. Pourtant, on citait Kant, Strauss, Schopenhauer et on mentionnait ici ou là (indirectement…) l’idée d’une psyché inconsciente.

 

 

Télépathie, clairvoyances, rêves prophétiques, phénomènes occultes, imperceptible et réalité de l’âme, tout cela pousse certains jeunes explorateurs allemands jusqu’à l’Amazonie, alors inexplorée, tel l’ethnologue Théodor Koch-Grünberg  autant de sujets d’un film, « L’étreinte du serpent », qui vous éclairera sur une époque où l’on cherchait à lutter contre le matérialisme qui empoisonnait déjà notre moralité, introduisant l’instabilité dans l’humanité … hélas il en fut pour tous comme si la morale ou la sensibilité ne pouvaient tenir lieu de justification à quoi que ce soit.

Sauf pour le juif Herzl.

Si aujourd’hui les religions courent à leur propre perte et que beaucoup d’autres éléments ci-dessus sont encore vrais, Herzl est persuadé – sur un ton qui n’est même pas héroïque – qu’il est possible, encore, de faire quelque chose pour l’humanité, pour la culture européenne dévorée par l’antisémitisme (affaire Dreyfus…), pour les juifs.

Il se consacre à son devoir pour instruire les hommes – et non des animaux politiques, des hommes – des mesures à prendre pour sauver le peuple juif, réalisant en 170 pages une action libre, un point de passage, plaçant les hommes – s’adressant directement aux antisémites – et évidement la diaspora juive, devant une double possibilité : ou bien les juifs prennent leur essor et jouent avec le temps un rôle déterminant dans la vie du monde… ou pas.

Peu choisiront la première voie.

Pourtant, à cette époque, nous venons de le voir, naissait – mais naissait seulement – une aspiration de l’individu à comprendre la réalité intérieure et extérieure humaine : la quête de compréhension devenait consciente, certaines allusions menaient déjà à l’inconnaissable, c’est-à-dire à l’aspiration à la vérité.

Bien des choses transcendent notre conscience et si les artistes seuls parviennent avec leurs représentations (graphiques) à prouver l’existence de chaînes de causalités sous une forme inconnaissable au commun, certaines choses formulées intellectuellement recèlent, jusqu’à ce qu’on s’en rende compte, des trésors d’aspects inconnus, pourvus qu’ils soient de principe.

Théodore Herzl lui-même écrit clairement qu’il ne sait pas si cet aspect est unique, double, multiple, mais il sait que la volonté (principe fondateur de Schopenhauer) est un développement de « la chose en soi » (de Kant) et que – il le sent comme Freud lui-même – certains principes dits transcendantaux de l’existence sont… inconscients : rien n’est plus évident à la lecture de Herzl ! Prémonition, quand tu nous tiens…

Le problème des opposés, le problème que posent les antisémites devient au fil des pages « un jeu » entre pessimisme et dualisme et c’est avec une profonde compassion envers les souffrances de l’humanité de son époque, qu’il fait face et propose un choix.

La suite, vous la connaissez : le premier congrès sioniste à lieu à Bâle en 1897,  à l’Argentine il sera préféré la Palestine, région appartenant alors « à sa Majesté le Sultan de l’Empire Ottoman »,  majesté à laquelle il s’adresse…. mais Herzl n’évoque point la religion, de peur d’effrayer ou de faire fuir, la rationalité échappant bien évidement en premier lieu aux théologiens ; mais on ne se libère pas ainsi d’un fondement historique de soi ! Au risque d’un crypto-matérialisme réducteur, mais sans jamais écarter l’union mystique avec la chrétienté, « en harmonie avec le droit international » Herzl, tentant d’éviter tout retour au moyen-âge, pense à la puissance civilisatrice de son projet.

Son projet sera immédiatement mis en applications par quelques rares pionniers à admirer – oui, parfaitement, à admirer – à l’Eretz Israël muséum qui montre des plaques photographiques de cette époque où poussaient, dans le désert, les premiers champs de citronniers (1).

Si Herzl nous enseigne quelque chose, à nous, non-juifs, c’est que nous devons rêver nos mythes et les déployer. Si Herzl nous enseigne quelque chose à nous, non-juifs, c’est qu’il faut nous confronter honnêtement, comme il l’a fait en 170 pages, au problème du mal.

En définitive, 564 500 Juifs hongrois avaient perdus la vie à l’issue de la seconde guerre mondiale et si Herzl, enfin, apprend quelque chose aux juifs c’est que ce qui est écrit doit toujours rester tel quel, mot pour mot, mais surtout doit être lu…

Et aujourd’hui nous demanderez-vous ?

Aujourd’hui nous arborons une grimace conciliante, usons de demi-mots, témoignons de notre lâcheté, de notre arrogance et validons que le mur des lamentations appartient … aux musulmans, à leur demande express auprès de cette vénérable institution qu’est l’Unesco.

On nous excusera d’être quant à nous de ces répugnantes personnes aux idées tout droit issues du bazar de nos cerveaux décrépis, d’être ignorants des choses de la vie, possédés de pensées élémentés de visions démoniaques, on nous excusera d’êtres maléfiques et inconséquents, d’être gens à abhorrer, on nous excusera que notre premier élan soit de demander à l’Unesco – cédant à l’initiative grégaire des pays arabes devant les sociétés des hommes qui se mentent les unes aux autres – comment il se fait que l’on puisse mentir au point d’être cru avec un tel aplomb et, effrayés que nous sommes par notre misérable naïveté dégoûtante, comment au regard du titre donné à cette vénérable institution, il nous serait possible de choisir une approche différente de celle qui consisterait à rendre à ladite vénérable institution la monnaie de sa pièce en ne pouvant éviter de la déclarer, puisque c’est ainsi qu’elle se présente à nous, comme odieusement antisémite ?

Et curieusement, nous ne demandons pas pardon en tant que nous sommes – et vous le voyez bien – des amateurs ignorants de toute chose qui, pourtant, en tant qu’êtres humains, n’attendent rien d’autre que l’hospitalité, dans le regard des vivants mais aussi depuis le regard des mourants, tout aussi lointain et pensif que le nôtre, sous un ciel d’étoiles filantes qui est la justification supérieure à notre attitude, décidés que nous sommes en tant que non-juifs, à quitter à notre tour cette terre ferme où vous vous tenez, pour tenter notre chance sur un autre terrain : celui de Herzl.

 

 

A Théodore Herzl

 

« Car une étincelle du feu de la justice tombée dans l’âme d’un savant suffit à embraser sa vie et son effort, à les dévorer de manière si purificatrice qu’il n’y a plus de repos et qu’il est pour toujours arraché à cet état d’esprit tiède ou glacé dans lequel les savants ordinaires accomplissent leur besogne quotidienne. »

Nietzsche

 

 Aux autres, la vie sans valeur.

 

 

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 (1) Plaques photographiques dont nous ne pouvons ici rapporter aucun scan d’une documentation dont nous visions l’acquisition dans l’espace « collectibles » dudit Muséum : ma pitom ? à notre passage le documentaliste was ready for shabbat ! 

 

 

 

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